Le Conseil d’Etat a rendu une décision importante (CE 13 juillet 2016, n° 375801) dans laquelle il refuse à l’Administration fiscale le droit de rehausser les résultats fiscaux d’une entreprise en raison de pertes constatées liées à une prise de risque excessif. Ce revirement intervient alors que les contentieux fiscaux s’appuyant sur ce principe sont légions (notamment en matière de placement financier ou de soutien financier à une filiale) et ce en dépit du principe de non-immixtion de l’administration dans les choix de gestion des entreprises. Cet arrêt préserve la liberté de gestion des entreprises et met en évidence que la prise de risque fait partie de la vie économique de toute entreprise (dans la mesure où les décisions prises par les dirigeants le sont dans l’intérêt de l’entreprise quand bien même les résultats escomptés n’auront pas été au rendez-vous).
Le principe de l’acte anormal de gestion fondé sur la notion de risque manifestement excessif est remis singulièrement en cause… mais pas dans tous les cas.
En effet, ce droit à réhaussement n’est pas remis en cause lorsqu’une entreprise est victime d’une fraude (par exemple, un détournement de fonds) alors même que, par négligence, la direction n’a pas mis en œuvre les mesures de contrôle interne nécessaires visant à limiter le risque de fraude ; la carence des dirigeants offre alors, directement ou indirectement, l’opportunité au fraudeur de se livrer à ses malversations (sur ce point cf l’arrêt du Conseil d’Etat du 5 octobre 2007 (n° 291049, 3e et 8e sections)) et concoure au préjudice que subit l’entreprise. Dans ce cas, les pertes comptables enregistrées du fait de la fraude ne sont fiscalement pas déductibles du résultat imposable de l’entreprise. Ce principe introduit une double peine pour le contribuable négligent.
C’est d’ailleurs ce même sujet qui va immanquablement s’immiscer dans le dossier opposant la Société Générale à son ancien tradeur Jérôme KERVIEL (si l’Administration fiscale est diligente). En effet, la Société Générale a déduit intégralement de ses résultats fiscaux les pertes réalisées du fait des opérations douteuses mises à l’actif de son tradeur (abus de confiance, faux, usage de faux et introduction de données frauduleuses). Or la Cour d’Appel de Versailles a jugé, par son arrêt rendu le 23 septembre dernier, que si Jérôme KERVIEL s’était effectivement rendu coupable d’opérations pénalement répréhensibles, la Société Générale est responsable civilement de l’essentiel de son préjudice du fait de procédures de contrôle interne défaillantes. Ce sont ces défaillances qui ont concouru à la gravité exceptionnelle du préjudice subi (4,9 milliards d’euros rappelons-le au passage). Un rappel d’impôt de 1,6 milliards d’euros en perspectives (hors intérêts de retard) pour la Société Générale ?
De ce point de vue, il est urgent pour les entreprises de mettre en œuvre, si ce n’est déjà fait, des procédures visant à prévenir le risque de fraude, pour au besoin en justifier l’existence et la pertinence auprès du juge lors d’un éventuel contentieux fiscal avec l’administration.
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